Pierres angulaires de l’entreprise familiale, la gouvernance et le dialogue sont la clé de sa réussite. Sophie Breuil, associée fondatrice du multi-family office HâpyFew, revient sur ces enjeux.
Sophie Breuil (HâpyFew) : "La gouvernance permet à chaque partie prenante de trouver sa place dans l’entreprise"
Décideurs. Pouvez-vous définir ce qu’est la gouvernance familiale ?
Sophie Breuil. La gouvernance est l’ensemble des mesures mises en place pour qu’une société détenue par un actionnariat familial soit organisée de façon que les parties puissent intervenir au bon moment dans la vie de l’entreprise. Cela nécessite de faire coexister deux cercles : la famille actionnaire et les dirigeants, familiaux ou non. Lorsque l’organisation fonctionne, c’est une puissance de feu énorme. Typiquement, la transmission constitue une étape qui se déroulera encore mieux si la gouvernance d’entreprise est fluide.
Quel rôle le dialogue familial joue-t-il dans le processus de transmission d'entreprise ? Comment cela contribue-t-il à son succès sur le long terme ?
Primordial, le dialogue familial n’est pourtant pas toujours au rendez-vous. Souvent, le dirigeant organise sa transmission seul, sans qu’il n’y ait forcément de dialogue entre les différentes générations.
Dans quelle mesure le multi-family office peut-il encourager la mise en place d’une gouvernance et d’un dialogue familial ?
Mon rôle est de comprendre les motivations de chacun pour réfléchir aux objectifs de la gouvernance, à formaliser par une charte familiale. En parallèle, je les aide à identifier des instances au sein lesquelles la famille peut intervenir et s’informer. La gouvernance permet à chacun de trouver sa place. La structuration du dialogue familial permet de prévenir et résoudre les conflits, ainsi quede favoriser l’alignement des différentes parties prenantes de l’entreprise.
Malgré son importance, avez-vous déjà eu le sentiment que la gouvernance familiale est sous-cotée ?
Bien sûr, et cela pèse sur nombre d’entreprises familiales, pourtant très performantes. Aujourd’hui, 80 % des entreprises familiales ne passent pas la troisième génération, en raison notamment de désaccords stratégiques, de difficultés de communication... La gouvernance est un facteur de cohésion et de longévité de l’actionnariat familial.
Pouvez-vous partager un exemple concret de situation où le dialogue familial a eu un impact positif sur la vie de l’entreprise ?
J’ai en tête le cas d’une société qui était détenue par la deuxième génération et dont les enfants ne s’entendaient pas. La troisième génération a alors décidé de mettre en place une gouvernance familiale, d’une part pour aider au dialogue et d’autre part, pour recruter des dirigeants non familiaux. La société n’a pas été vendue et est repartie de plus belle. Le changement pour une gouvernance familiale est synonyme de déléguer un peu de son pouvoir pour le dirigeant, ce qui a un impact sur son mode de fonctionnement. Cependant, cela reste un passage obligé pour assurer sereinement une future transition.
Propos recueillis par Marine Fleury