L’intelligence artificielle s’insère lentement mais sûrement dans tous les métiers, la gestion de patrimoine comprise. Qu’en attendre ? Comment l’intégrer efficacement en pratique ? Réponse avec Véronique Aubin, présidente de Xelis Family Office.
Décideurs. Comment utilisez-vous l'intelligence artificielle dans votre activité ?
Véronique Aubin. Il faut tout d’abord bien identifier ce qu’est l’intelligence artificielle. Il s’agit pour nous d’un outil informatique. À ce titre, elle est censée faciliter notre quotidien et améliorer notre productivité, mais s’utilise avec le cerveau et l’expertise qui permet de challenger les résultats. Cela dit, l’IA représente déjà une opportunité qui nous permet de nous concentrer sur la valeur ajoutée apportée aux familles que l’on accompagne. Comme n’importe quelle machine, l’IA a cette fonction de gain de temps, que l’on consacre alors davantage aux clients. C’est un superbe outil pour nous décharger de tâches à faible valeur ajoutée.
Donnez-nous des exemples concrets d'utilisation de l'IA.
Lorsque que nous établissons une structuration de portefeuille pour un nouveau client, l’IA peut difficilement nous aider car il s’agit de concevoir toute la stratégie : choix de l’enveloppe juridique, fiscalité et flexibilité associées, planification successorale, etc. Puis nous construisons l’allocation d’actifs et sélectionnons les gérants en fonction des différentes poches d’investissement. En revanche, une fois cette première phase de réflexion effectuée, il faut la transposer à l’écrit et créer un rapport de préconisation pour le client. Avec de bons "prompts", ChatGPT est capable de générer d’excellents documents en quelques secondes, là où un family officer y passerait plusieurs heures sans valeur ajoutée.
Par ailleurs, dans l’accompagnement quotidien, il nous arrive de devoir expliquer certains mécanismes aux clients, comme les problématiques de remboursement de frais de santé avec une mutuelle complémentaire. ChatGPT nous donne alors une réponse parfaite que nous pouvons adapter et transmettre.
Comment intégrez-vous l'IA dans un contexte international ?
De nombreux clients présentent de forts éléments d'extranéité. Qu’il s‘agisse de clients non francophones, de membres de familles vivant à l’étranger, de clients réalisant des investissements internationaux, les échanges en langue étrangère sont légion, notamment sur des sujets techniques avec les clients et les professionnels locaux. À l’oral, les membres polyglottes de l’équipe sont un atout majeur pour Xelis. À l’écrit, des outils de traduction tels que DeepL deviennent alors indispensables et s’avèrent très efficaces. Ils peuvent également être utilisés pour tout ce qui concerne la documentation de produits, de souscription et d’information au client. Toutefois, nous veillons toujours à vérifier les traductions afin d’être certains de fournir une communication de qualité en langue étrangère.
Quels sont les développements technologiques que vous attendez ?
Lors de réunions, nous devons nous consacrer au dialogue avec le client. Aujourd’hui, le family officer doit jongler entre l’entretien et la prise de notes. C’est non seulement une perte de temps, mais surtout une perte de qualité dans la relation. Le client veut parler à un être humain, pas à une machine. Les niveaux de détail et d’intimité sont tels que le family officer a besoin d’être dans une empathie totale afin de prendre en compte les aspects émotionnels et interpersonnels. Le côté humain est irremplaçable. Par conséquent, nous attendons encore un outil qui puisse, à l’aide d’un simple smartphone, retranscrire en direct les éléments importants d’une réunion, les étapes clés, les actions à prendre, etc. D'autres professions pourraient en bénéficier comme les avocats. Le tout devrait pouvoir s’effectuer sans archivage, pour des raisons évidentes de confidentialité.
Un autre sujet concerne les aspects réglementaires et les procédures où notre valeur ajoutée demeure faible. Une IA qui se chargerait de ces paramètres de façon quasi autonome serait plus qu’utile et libérerait énormément de temps aux professionnels du patrimoine. Enfin, il est primordial que la sécurité des données clients soit renforcée, au même titre que les facteurs de conformité et de confidentialité.