Jusqu’à maintenant ancrée dans une tradition élitiste et poussiéreuse, la haute joaillerie fait peau neuve grâce à Pauline Laigneau, cofondatrice et CEO de Gemmyo, où Made in France et innovation vont de pair.
Pauline Laigneau (Gemmyo) : "Le temps est notre meilleur allié, surtout pour une marque de luxe"
Décideurs. Quel a été votre parcours avant Gemmyo ?
Pauline Laigneau. Je ne me destinais pas du tout à l’entrepreneuriat. Mon père, entrepreneur qui n’a pas son bac, avait beaucoup d’ambition « académique » pour moi. J’allais être enseignante dans la fonction publique, après des études littéraires et l’École normale supérieure. Lorsqu’il a été question de savoir ce que j’allais faire de ma vie, je me suis rendu compte que l’enseignement n’était pas ma vocation.
"J’avais l’envie profonde d’utiliser mes mains, d’être dans l’action et la création"
J’avais l’envie profonde d’utiliser mes mains, d’être dans l’action et la création. Ma mère est architecte paysagiste et très créative. Ceci explique cela… De fil en aiguilles, cette volonté profonde m’a menée dans la voie de l’entrepreneuriat, notamment à travers un passage à HEC, sans pour autant savoir précisément dans quoi je me lançais. Finalement, la nature a repris le dessus.
Comment est né Gemmyo ?
Il s’est trouvé qu’en 2011, alors que nous cherchions avec mon fiancé une bague de fiançailles, l’expérience fut assez décevante. Nous avons alors vu l’opportunité de créer une marque de bijoux moderne, qui nous correspondrait. C’est un secteur merveilleux mais qui méritait, sur de nombreux plans, d’être renouvelé.
Les débuts ont été difficiles. N’étant pas du secteur, nous avons dû tout apprendre. Néanmoins, nous avons eu la chance d’être guidés par des experts et des artisans, puis d’être accompagnés par des partenaires. Sur le plan marketing, le but fut d’apporter de la nouveauté, notamment par une approche 100 % numérique dès le départ. Créer une joaillerie en ligne à l’époque était très audacieux. Nous avons également innové en proposant un large choix de pierres et de métaux, afin de laisser plus de liberté à nos clients. Enfin, l’expérience client, haut de gamme et chaleureuse, ainsi que l’excellent rapport qualité-prix ont permis de nous différencier davantage.
Quelle est votre vision pour la suite de Gemmyo ?
L’international constitue un premier axe de développement. Notre boutique de Bruxelles a ouvert en 2021, celle de Genève en 2022. Elles constituent déjà une part non négligeable du chiffre d’affaires. Des ouvertures à Zurich et à Tokyo sont dans les tuyaux pour les prochains mois. Par ailleurs, nous aimerions créer de nouvelles catégories de produit, intégrer d’autres segments. Nous venons de lancer notre première montre.
Un exit est-il en vue ?
Pour être honnête j’y ai pensé. Ayant démarré relativement jeune, il aurait été naturel de vendre après quelques années d’activité. Personnellement j’avais - et j’ai toujours - envie de poursuivre, le temps étant notre meilleur allié surtout pour une marque de luxe. C’est un projet de vie. En revanche, faire de la croissance externe est une stratégie que nous envisageons.
Vous avez un podcast, vous faites des formations, qu'est-ce que tout cela vous apporte ?
J’aime partager ce que j’apprends au quotidien. Ces activités donnent également de la visibilité indirectement à Gemmyo, même si ce n’était pas le but premier. C’est un cercle vertueux.
Qu’est-ce qui détermine vos choix ?
L’un de mes moteurs principaux est la joie et le plaisir que ces activités me procurent. Les divers projets sur lesquels je travaille me donnent de l’énergie et des idées. D’autre part, j’aime répondre à des opportunités de marché par des projets d’entreprise à long terme, comme le « smart luxury » que Gemmyo s’évertue à mettre en œuvre.
Quelle est votre approche en matière de patrimoine personnel ?
Je vais vous décevoir. Nous faisons avec mon mari tout ce qui n’est pas recommandable, dans le sens où nous avons mis tous nos œufs dans le même panier, à savoir Gemmyo. Cela rejoint notre logique de long terme dont je vous parlais. En fonction des opportunités je peux investir sporadiquement ici ou là, si je peux apporter de la valeur, mais sans démarche d’investissement intentionnelle.
Propos recueillis par Marc Munier