L’Union européenne se met au diapason sur la taxe carbone aux frontières
Les institutions européennes se sont entendues sur la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), au soutien de la décarbonation de l’industrie. Le dispositif, unique au monde, vise à taxer les marchandises importées de pays tiers à l’UE moins regardants sur les émissions de gaz à effet de serre et à empêcher la "fuite de carbone" ou le "dumping écologique". Le but est de mettre fin aux contournements des règles climatiques européennes par les entreprises qui transfèrent leur production à forte intensité de carbone à l’étranger ou importent des produits à haute empreinte carbone. De les dissuader d’aller polluer en dehors de l’UE, en somme. L’idée est aussi d’assurer une concurrence équitable entre les entreprises européennes soumises à un prix du carbone et les entreprises importatrices étrangères qui ne le sont pas. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen indique qu’il s’agit d’un "élément central [du] Green Deal européen", et que c’est "un énorme pas en avant, alors que nous rehaussons nos ambitions climatiques".
Produits transformés
Les négociations ont permis de relever les ambitions du texte : là où la proposition initiale de la Commission européenne prévoyait d’inclure les secteurs du ciment, de l’acier, des engrais, de l’aluminium et de l’électricité, les eurodéputés ont ajouté l’hydrogène. Le MACF prévoit aussi d’intégrer les produits transformés pour éviter les déplacements d’émissions : "Une industrie automobile européenne aurait pu avoir intérêt à relocaliser sa production au Maroc car si l’acier marocain ou turc paie le prix du carbone européen grâce au MACF, les voitures faites de ce même acier n’étaient pas concernées par ce prix du carbone", explique l’eurodéputé et président de la commission environnement Pascal Canfin.
Il est presque cinq heures du matin et nous avons un accord sur la « taxe carbone aux frontières »! Encore une première mondiale et un accord historique pour le climat.
— Pascal Canfin (@pcanfin) December 13, 2022
L’accord entrera en vigueur dans sa phase transitoire à compter du 1er octobre 2023. Phase pendant laquelle les entreprises seront tenues de déclarer annuellement le contenu carbone des produits qu’elles importent sans payer. D’abord appliqué à des produits importés à forte intensité de carbone et qui présentent un risque de fuite de carbone le plus important (ciment, fer et acier, aluminium, engrais, électricité et hydrogène), le mécanisme aura vocation à s’appliquer à davantage de biens. La période transitoire permettra notamment de déterminer quel produit déjà concerné par le SEQE (système d'échange de quotas d'émissions ou marché carbone européen) se verra appliquer la taxe carbone.
Quotas
L’accord doit d’ailleurs être complété par la révision du marché carbone européen, autre pierre angulaire de la politique climatique de l’UE, en raison de ses liens étroits avec le MACF. Des négociations entre les colégislateurs vont se poursuivre cette semaine, au sujet notamment de la suppression des quotas gratuits. Un point clef pour rester en conformité avec les règles de l’OMC et ne pas tomber dans le protectionnisme. Les quotas gratuits sont distribués à certaines industries pour éviter leur délocalisation. Selon le principe du SEQE, les entreprises achètent ces quotas qui correspondent à des tonnes de CO2 émis. Les quotas gratuits posent un problème de concurrence entre les entreprises européennes qui peuvent en bénéficier et celles étrangères. Une fois le texte finalisé, le Parlement européen et le Conseil devront formellement adopter le nouveau règlement avant qu'il puisse entrer en vigueur. Selon Frans Timmermans, vice-président exécutif pour le Green Deal européen, "l’accord d'aujourd'hui nous rapproche de la finalisation de notre ensemble de mesures visant à réduire les émissions d'au moins 55 % d'ici la fin de cette décennie". Et de se rapprocher donc, d’un des objectifs du Green Deal et du paquet Fit for 55 de parvenir à une économie dont les émissions nettes de gaz à effet de serre seront nulles en 2050.
Anne-Laure Blouin