Par Christophe Lapp et Louis des Cars, avocats associés. Altana
Activité concurrentielle des structures publiques?: vers une banalisation??
Depuis une dizaine d’années, le renforcement de la coopération publique/privée témoigne a priori d’un mouvement de « privatisation » de l’action publique. Pourtant, surtout au plan local, les interventions économiques des structures publiques semblent de plus en plus fréquentes. Les règles de la commande publique s’en trouvent bouleversées.
Au-delà des clivages politiques et de l’ouverture à la concurrence, la France reste un pays où les structures publiques jouent un rôle économique fondamental.
Vers une « privatisation » de l’action publique ?
Depuis plusieurs années, on a assisté à l’ouverture à la concurrence de nombreux secteurs, à la privatisation d’entreprises nationales ou encore au développement de contrats globaux type partenariats publics/privés démontrant que les entreprises privées jouent de façon accrue le rôle de partenaires des personnes publiques. Toutefois, ce phénomène ne s’accompagne pas d’une baisse de l’interventionnisme économique local, bien au contraire. En principe, l’exercice d’une activité économique par des structures publiques doit rester subsidiaire par rapport à celle du secteur privé afin de garantir le respect de la liberté d’entreprendre qui régit les secteurs concurrentiels. Est-ce toujours le cas ? En effet on assiste depuis quelque temps à un développement incontestable des structures publiques susceptibles de jouer un rôle économique majeur au niveau local.
Vers une « collectivisation » de l’économie locale ?
Plusieurs outils juridiques renforcent les possibilités pour les collectivités locales d’intervenir dans des secteurs concurrentiels.
Les sociétés publiques locales.
Les sociétés publiques locales permettent aux collectivités locales de recourir à une société commerciale, dont elles détiennent la totalité du capital, afin de prendre en charge toute activité d’intérêt général. Ce nouvel outil juridique, qui constitue une application de l’exception jurisprudentielle in house, selon laquelle les personnes publiques peuvent recourir pour que certains services lui soient fournis - sans aucune mise en concurrence - à des organismes tiers dès lors qu’elle exerce sur eux un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et que lesdits organismes réalisent l’essentiel de leur activité avec la ou les collectivités qui le détiennent. En application de la jurisprudence communautaire assimilant les notions de contrôle analogue et de contrôle conjoint, les sociétés publiques locales peuvent disposer d’un nombre non restreint d’actionnaires. Dans l’hypothèse où ces sociétés seraient constituées par un nombre important d’actionnaires, il devient difficile de vérifier que le contrôle exercé sur chacun d’entre eux est effectivement un contrôle étroit. Dans sa circulaire en date du 28 avril 2011, le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs attiré l’attention des collectivités territoriales sur ce risque de dérive. Au regard de ces éléments, on ne peut exclure que la multiplication des sociétés publiques locales aboutisse, à terme, à limiter l’accès à la concurrence des opérateurs économiques privés sur certains marchés. Il est donc permis de s’interroger sur la nécessité qui existait de légiférer sur une exception, ce qui implicitement mais nécessairement encourage sa mise en œuvre.
Les conventions d’entente entre collectivités locales.
Le Conseil d’État a récemment jugé que les ententes entre collectivités locales ne relevaient pas des règles de la commande publique dès lors que la collectivité en charge de la fourniture d’un service ne pouvait être regardée comme agissant tel un opérateur économique sur un marché concurrentiel. Dans cette affaire, le service public de distribution d’eau anciennement géré par le biais d’une délégation de service public avait été confié à une autre collectivité grâce à une convention d’entente. M. Dacosta, Rapporteur public, avait rejeté la qualification de convention d’entente dès lors qu’il n’y avait pas, selon lui, de véritable coopération entre les collectivités en l’absence d’engagement réciproque et de certitude quant à la neutralité financière du montage. Il avait souligné le danger de reconnaître la licéité d’un tel montage, qui conduirait à admettre la possibilité pour des collectivités locales de passer, sans mise en concurrence, un marché de prestations de services entre elles, alors même que ces prestations pourraient être fournies par un opérateur privé. Le Conseil d’État n’a pas suivi ces conclusions.
On peut donc se demander si le service n’aurait pas été mieux géré par une personne privée, dont l’offre aurait été choisie au terme d’une procédure de mise en concurrence, comme étant économiquement la plus viable. Cet arrêt renforce la liberté des collectivités publiques qui, au nom du principe d’autonomie de gestion qui les gouverne, peuvent s’abstraire du respect des règles de la commande publique, alors même qu’elles interviennent dans un secteur concurrentiel.
La possibilité pour les personnes publiques de candidater à l’attribution des contrats publics.
Depuis l’avis contentieux en date du 8 juin 2000 Société Jean-Louis Bernard consultant, les personnes publiques peuvent candidater à l’attribution de contrats publics. Elles peuvent donc offrir des biens et des services dans des conditions qui, en théorie, ne diffèrent pas de celles pratiquées par les opérateurs privés. Pourtant, il est peu évident, en pratique, d’apprécier si une telle intervention se réalise suivant des modalités telles qu’en raison de la situation particulière dans laquelle se trouve la personne publique par rapport aux autres opérateurs intervenant sur le même marché, elle ne fausse pas le libre jeu de la concurrence. Aussi, dès lors que l’on a vu que les personnes publiques pouvaient exclure du champ d’application de la commande publique des opérations importantes, ne faudrait-il pas purement et simplement interdire ou, plus vraisemblablement mieux encadrer leurs candidatures à des contrats publics ?
En conclusion il y a lieu de s’interroger sur la cohérence d’une telle situation dans une époque qui tend également vers un renforcement de la coopération entre personnes publiques et personnes privées, sous-tendue notamment par la mauvaise situation des finances publiques.
Au-delà des clivages politiques et de l’ouverture à la concurrence, la France reste un pays où les structures publiques jouent un rôle économique fondamental.
Vers une « privatisation » de l’action publique ?
Depuis plusieurs années, on a assisté à l’ouverture à la concurrence de nombreux secteurs, à la privatisation d’entreprises nationales ou encore au développement de contrats globaux type partenariats publics/privés démontrant que les entreprises privées jouent de façon accrue le rôle de partenaires des personnes publiques. Toutefois, ce phénomène ne s’accompagne pas d’une baisse de l’interventionnisme économique local, bien au contraire. En principe, l’exercice d’une activité économique par des structures publiques doit rester subsidiaire par rapport à celle du secteur privé afin de garantir le respect de la liberté d’entreprendre qui régit les secteurs concurrentiels. Est-ce toujours le cas ? En effet on assiste depuis quelque temps à un développement incontestable des structures publiques susceptibles de jouer un rôle économique majeur au niveau local.
Vers une « collectivisation » de l’économie locale ?
Plusieurs outils juridiques renforcent les possibilités pour les collectivités locales d’intervenir dans des secteurs concurrentiels.
Les sociétés publiques locales.
Les sociétés publiques locales permettent aux collectivités locales de recourir à une société commerciale, dont elles détiennent la totalité du capital, afin de prendre en charge toute activité d’intérêt général. Ce nouvel outil juridique, qui constitue une application de l’exception jurisprudentielle in house, selon laquelle les personnes publiques peuvent recourir pour que certains services lui soient fournis - sans aucune mise en concurrence - à des organismes tiers dès lors qu’elle exerce sur eux un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services et que lesdits organismes réalisent l’essentiel de leur activité avec la ou les collectivités qui le détiennent. En application de la jurisprudence communautaire assimilant les notions de contrôle analogue et de contrôle conjoint, les sociétés publiques locales peuvent disposer d’un nombre non restreint d’actionnaires. Dans l’hypothèse où ces sociétés seraient constituées par un nombre important d’actionnaires, il devient difficile de vérifier que le contrôle exercé sur chacun d’entre eux est effectivement un contrôle étroit. Dans sa circulaire en date du 28 avril 2011, le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs attiré l’attention des collectivités territoriales sur ce risque de dérive. Au regard de ces éléments, on ne peut exclure que la multiplication des sociétés publiques locales aboutisse, à terme, à limiter l’accès à la concurrence des opérateurs économiques privés sur certains marchés. Il est donc permis de s’interroger sur la nécessité qui existait de légiférer sur une exception, ce qui implicitement mais nécessairement encourage sa mise en œuvre.
Les conventions d’entente entre collectivités locales.
Le Conseil d’État a récemment jugé que les ententes entre collectivités locales ne relevaient pas des règles de la commande publique dès lors que la collectivité en charge de la fourniture d’un service ne pouvait être regardée comme agissant tel un opérateur économique sur un marché concurrentiel. Dans cette affaire, le service public de distribution d’eau anciennement géré par le biais d’une délégation de service public avait été confié à une autre collectivité grâce à une convention d’entente. M. Dacosta, Rapporteur public, avait rejeté la qualification de convention d’entente dès lors qu’il n’y avait pas, selon lui, de véritable coopération entre les collectivités en l’absence d’engagement réciproque et de certitude quant à la neutralité financière du montage. Il avait souligné le danger de reconnaître la licéité d’un tel montage, qui conduirait à admettre la possibilité pour des collectivités locales de passer, sans mise en concurrence, un marché de prestations de services entre elles, alors même que ces prestations pourraient être fournies par un opérateur privé. Le Conseil d’État n’a pas suivi ces conclusions.
On peut donc se demander si le service n’aurait pas été mieux géré par une personne privée, dont l’offre aurait été choisie au terme d’une procédure de mise en concurrence, comme étant économiquement la plus viable. Cet arrêt renforce la liberté des collectivités publiques qui, au nom du principe d’autonomie de gestion qui les gouverne, peuvent s’abstraire du respect des règles de la commande publique, alors même qu’elles interviennent dans un secteur concurrentiel.
La possibilité pour les personnes publiques de candidater à l’attribution des contrats publics.
Depuis l’avis contentieux en date du 8 juin 2000 Société Jean-Louis Bernard consultant, les personnes publiques peuvent candidater à l’attribution de contrats publics. Elles peuvent donc offrir des biens et des services dans des conditions qui, en théorie, ne diffèrent pas de celles pratiquées par les opérateurs privés. Pourtant, il est peu évident, en pratique, d’apprécier si une telle intervention se réalise suivant des modalités telles qu’en raison de la situation particulière dans laquelle se trouve la personne publique par rapport aux autres opérateurs intervenant sur le même marché, elle ne fausse pas le libre jeu de la concurrence. Aussi, dès lors que l’on a vu que les personnes publiques pouvaient exclure du champ d’application de la commande publique des opérations importantes, ne faudrait-il pas purement et simplement interdire ou, plus vraisemblablement mieux encadrer leurs candidatures à des contrats publics ?
En conclusion il y a lieu de s’interroger sur la cohérence d’une telle situation dans une époque qui tend également vers un renforcement de la coopération entre personnes publiques et personnes privées, sous-tendue notamment par la mauvaise situation des finances publiques.