Alain Viry (CFAO) : « Il y a toujours un équilibre délicat entre la délégation et le contrôle pour stimuler l’engagement »
Décideurs. Quelle est votre définition du leadership ?
Alain Viry. être un leader, c’est être un animateur capable de laisser une empreinte dans l’entreprise, influer sur son destin et faire évoluer l’état d’esprit ou la vision des équipes dans la durée. Le leader ose entreprendre, met toujours les ressources humaines au centre des projets et place ses équipes de dirigeants face à des situations évolutives et de nouveaux challenges. Enfin, avoir du leadership, c’est avoir le courage de décider face à des situations inconnues, savoir gérer les risques et innover sur les marchés.
Décideurs. Comment maintenir un engagement fort au sein d’une entreprise globale ?
A. V. Il faut un style de management fait d’écoute, de confiance et de beaucoup de conviction. Dans les pays dits à risque comme ceux où travaille CFAO, l’important est de placer des personnes d’expérience aux postes clefs et l’enjeu, pour maintenir leur engagement, est de créer et cultiver un lien de confiance fort avec eux, surtout à distance. Pour cela, il est indispensable que la relation entre responsables soit transparente. Animer une organisation qui offre à chaque dirigeant opérationnel un lien de report direct avec un des membres du comité exécutif est une manière de maintenir une forte réactivité et d’éviter la bureaucratie. Il y a toujours un équilibre délicat entre la délégation et le contrôle pour stimuler l’engagement.
Décideurs. Quels sont les leaders qui font pour vous figure de référence ?
A. V. Gandhi et bien sûr Mandela ! Une statue de bronze de Nelson Mandela (réalisée par Ousmane Sow) vous accueille à l’entrée du siège de CFAO. C’est la figure de référence en Afrique. Mandela est pour moi un homme exceptionnel qui a laissé son empreinte et changé le destin de l’Afrique du Sud, même si on s’écarte avec cette référence du business pour parler de l’humain, et du politique. Mais, au fond et avec le recul, l’épanouissement personnel et les bonheurs partagés dans ma vie professionnelle tiennent pour beaucoup aux rencontres, aux relations humaines tissées, au travail en équipe, aux négociations quelles qu’elles soient, plus qu’aux parts de marché gagnées.
Décideurs. Quelles sont les valeurs clés que vous vous efforcez de partager au sein de votre entreprise ?
A. V. Beaucoup d’écoute et de la confiance pour savoir regarder sans complaisance ses erreurs, pouvoir en parler. Entretenir un niveau d’exigence dans les deux sens, c’est-à-dire également vis-à-vis du patron qui vous dirige. Pousser son patron à être clair dans les objectifs permet à chacun de mieux réussir. Cette exigence se diffuse dans toute l’entreprise et lui permet de progresser plus vite. Le leader doit avant tout se connaître pour être capable d’observer les mérites et les points faibles de ses collaborateurs pour ensuite capitaliser sur leurs qualités plutôt que de les faire nager à contre-courant.
Décideurs. Un leader est-il nécessairement un stratège ?
A. V. Pour bien diriger une entreprise, il faut bien sûr être un fin stratège. Mais tous les opérationnels ne doivent pas faire de la stratégie d’entreprise. La stratégie doit rester confidentielle et se distinguer de la tactique opérationnelle.
Décideurs. Comment avoir une vision sur la longue durée ?
A. V. La vision sur le long terme se construit par touches successives. Il faut avoir confiance en soi, dans ses équipes et aller de l’avant. La capacité de changer soi-même et de changer le cours de l’entreprise est capitale. Entre alors en ligne de compte la gestion du rythme du changement pour atteindre le plan visé, et ce à deux niveaux. Le premier est celui du rythme de développement de l’entreprise pour lequel le dosage de la croissance évite de surmener les collaborateurs et d’accroître les risques. Le second niveau réside dans l’organisation du management lui-même. L’expérience d’une entreprise ne s’identifie pas à une personne en particulier, mais à une équipe toute entière. Attention donc aux leurres d’organisation et aux hommes dits providentiels. Un changement dans l’équilibre d’une équipe dirigeante peut être fatal pour l’entreprise.