Laurent Lévy (Optical Center) : « Un véritable leader se révèle à travers sa simplicité et sa sincérité »
Décideurs. Au cours de votre carrière, comment êtesvous passé de manager à leader ?
Laurent Lévy. J’ai ouvert mon premier magasin en 1991, à Boulogne-Billancourt. Mon rôle de manager a débuté avec mon tout premier collaborateur. J’ai embauché d’autres salariés et inauguré de nouvelles boutiques. Puis je me suis posé la question suivante : « Comment pourrais-je renforcer notre service client et améliorer les conditions de travail de mes employés ? » C’est à ce moment que je suis « sorti du cadre », et qu’après avoir dirigé une équipe, je me suis mis à gérer une entreprise. J’ai alors commencé à travailler « pour » et non plus « dans » un magasin. Entre un manager et un leader, la différence résulte dans le temps d’avance : le leader, en plus de réussir son objectif, y adjoint une vision à long terme. Il va nécessairement plus loin que le manager en impulsant la direction à suivre.
Décideurs. Quels sont les éléments naturels du leadership ?
L. L. Être un leader demande en tout premier lieu d’avoir une grande confiance en soi. Il n’a pas besoin de se montrer, de se mettre en avant. C’est une attitude naturelle. Un véritable leader se révèle également à travers sa simplicité et sa sincérité. Si l’on est sûr de soi et honnête, le leadership est alors bien plus naturel que le management. Aujourd’hui, le système et la société font que nous sommes sans cesse confrontés à un manque de confiance environnant.C’est un frein à la révélation du potentiel de chacun.
Décideurs. Quels sont les éléments cachés du leadership ?
L. L. Tout tient à un équilibre de vie et une organisation rigoureuse. Je dîne chaque soir à la même heure et m’impose des horaires hebdomadaires, tant pour mon travail que pour les activités que je pratique. Le week-end est consacré à ma famille. C’est une organisation quasi militaire ! Mais c’est ce qui permet d’être investi à 100 % dans chaque chose. Et puis il y a aussi le goût de l’entrepreneuriat. Mon père était commerçant, mon grand-père aussi. J’ai toujours su que je deviendrai chef d’entreprise, cela fait partie de ma culture familiale. C’est quelque chose que je transmets également à mes enfants. Et, de génération en génération, on voit plus loin et plus grand.
Décideurs. Le leadership, est-ce une notion innée ou acquise ?
L. L. 1 % d’inné, 99 % d’acquis. Selon moi, il faut une fibre au départ puisque je suis persuadé que chacun tient un rôle de leader à un endroit. Être père, c’est déjà être un leader. Ce 1 % d’inné, il doit germer, puis mûrir, pour qu’il se développe. Tout est une question de travail. Et de manière générale, la qualité essentielle est la vision : savoir où l’on veut aller. À partir de là, la générosité et la rigueur permettent de faire grandir ses collaborateurs en les portant, en les formant pour atteindre ensemble les objectifs fixés.
Décideurs. Comment, selon vous, le leadership va-t-il évoluer ?
L. L. L’humain est résolument de plus en plus ramené au coeur du processus. Un environnement de travail épanouissant passe nécessairement par la prise en compte des besoins de ses collaborateurs. Bien sûr, il y aura toujours des chiffres en jeu, mais nous allons de plus en plus vers une prise en considération de l’autre. Chez Optical Center, nous organisons très fréquemment des séminaires d’échanges pour que chacun puisse s’exprimer. C’est ensemble que nous pouvons faire avancer les choses. Autre exemple, nous avons adapté les heures d’ouverture du siège pour les salariés qui, en raison des transports ou simplement parce qu’ils n’étaient pas du matin, souhaitaient commencer plus tard leur journée. J’ai également mis en place le télétravail pour ceux qui désiraient rester à leur domicile. Nous traversons une crise importante qui va engendrer un retour à l’essentiel, aux valeurs fondamentales ainsi qu’à la famille. André Malraux a dit : « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. » Je partage sa pensée.
Décideurs. Quels sont vos trois leaders « vivants » ?
L. L. J’apprends de chaque homme et de chaque échange. Il y a sept milliards d’êtres humains sur Terre et tout autant de héros.