Par Sylvie Grando, avocat. Simmons & Simmons
Aides à l’agriculture?: la vigilance est de mise?!
Le Tribunal de l’Union européenne rejette, par trois arrêts rendus le 27 septembre 2012, les recours de l’État français et des organisations professionnelles et confirme la décision de la Commission européenne du 28?janvier 2009 qualifiant d’aides d’État interdites les « plans de campagne » français versés aux producteurs de fruits et légumes entre 1992 et 2002.
Le 27 septembre 2012, le Tribunal de l’Union européenne a confirmé la décision par laquelle la Commission avait, en 2009, qualifié d’aides d’État interdites les
« plans de campagne » français versés aux agriculteurs du secteur des fruits et légumes de 1992 à 2002. Pour mémoire, sur cette période de dix années, des organisations de producteurs avaient reçu des aides pour un montant estimé à environ 330 millions d’euros, aides dont l’objectif était d’atténuer les effets d’excédents temporaires de l’offre, de réguler les cours des marchés par une approche collective coordonnée et de financer des actions structurelles destinées à permettre l’adaptation de ce secteur au marché. Les aides en question étaient versées par un fonds opérationnel géré par les comités économiques agricoles agréés et alimenté à hauteur de 30 % à 50 % par des cotisations volontaires des producteurs et, pour le reste, par l’Oniflhor, Office national interprofessionnel des fruits et légumes et de l’horticulture. L’arrêt du Tribunal est intéressant car il apporte des précisions sur deux points importants. D’une part, il donne un éclairage utile pour le secteur de l’agriculture sur la notion de ressources d’État, et, d’autre part, en revenant sur la notion de confiance légitime, il donne un avertissement clair aux bénéficiaires potentiels d’aides.
Des aides en partie financées par les bénéficiaires
Au cas d’espèce en effet, les aides étaient financées pour partie par des ressources tirées du budget général d’État, versées sur le compte de l’Oniflhor et distribuées par celui-ci aux différents Comités économiques, et pour une autre partie, par des contributions volontaires des professionnels perçues par les Comités économiques. La question se posait donc de savoir si la totalité des aides pouvait être analysée comme provenant de ressources d’État. Le Tribunal, confirmant l’analyse de la Commission, rappelle que les dispositions de l’article 87&1 englobent tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des opérateurs économiques, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine desdites autorités publiques. Ce qui compte, en fait, ce n’est pas tant que les ressources soient en permanence en possession des autorités publiques, que le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public et donc à la disposition des autorités nationales compétentes. Ainsi, selon le Tribunal « le critère pertinent afin d’apprécier l’existence de ressources publiques, quelle que soit leur origine initiale, est celui du degré d’intervention de l’autorité publique dans la définition des mesures en cause et de leurs modalités de financement ». À l’inverse, le Tribunal rappelle que, conformément à la jurisprudence Pearle (affaire C-345/02 du 15 juillet 2004) ne constituent pas des ressources d’État les fonds collectés par un organisme public au moyen de contributions prélevées sur les opérateurs économiques bénéficiaires dans la mesure où ce sont ces derniers qui maîtrisent la destination et l’utilisation des fonds. En l’occurrence, le Tribunal a constaté que l’Oniflhor, établissement public placé sous tutelle de l’État, décidait unilatéralement des mesures financées par les plans de campagne, et des modalités de leur mise en œuvre sans que les professionnels disposent d’un quelconque droit de regard sur leurs cotisations et ce, malgré le fait que leurs contributions étaient facultatives. Au surplus, le Tribunal n’a pas manqué de souligner le rôle prépondérant de l’État au sein des comités économiques agricoles en la personne de son représentant le préfet de région.
À qui peut-on faire confiance ?
Les producteurs bénéficiaires des aides avaient soulevé devant le Tribunal la violation du principe de confiance légitime au motif que la Commission, qui avait eu nécessairement connaissance de l’existence des plans de campagne pendant la période 1992-2002, n’avait entrepris aucune action à leur encontre pendant cette longue période, faisant naître chez eux la confiance en leur légitimité. Ce recours donne au Tribunal l’occasion d’apporter quelques éclaircissements sur cette notion un peu floue. S’il est vrai que tout justiciable est en droit de se prévaloir de la protection du principe de la confiance légitime lorsque l’institution communautaire a fait naître en lui des espérances fondées, il n’en demeure pas moins vrai que ce droit nécessite la réunion de trois conditions cumulatives :
- des assurances précises, inconditionnelles émanant de sources autorisées et fiables doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration communautaire ;
- ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent ;
- et surtout, ces assurances doivent être conformes aux normes applicables.
En l’occurrence, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides d’État confié à la Commission, seul le respect de la procédure préalable de notification aurait dû permettre aux entreprises bénéficiaires de se sentir en confiance par rapport aux mesures mises en place en leur faveur. Le Tribunal relève qu’au demeurant, les producteurs de fruits et légumes concernés par les fameux plans de campagne auraient dû être d’autant plus vigilants que les autorités françaises elles-mêmes avaient conscience du fait que les aides mises en place avaient un caractère manifestement anti-communautaire, à tel point qu’elles avaient rappelé aux comités économiques agricoles « le caractère confidentiel des plans stratégiques et le besoin de discrétion nécessaire ». La Commission avait d’ailleurs souligné, ce que les intéressés ne peuvent ignorer, que dans les domaines couverts par une organisation commune, à plus forte raison quand cette organisation est fondée sur un régime commun des prix, les États membres ne peuvent plus intervenir par des dispositions nationales prises unilatéralement, dans le mécanisme des prix régis, au même stade de production, par l’organisation commune. À bon entendeur salut ! Dans le secteur agricole, seule la bénédiction de la Commission permet aux bénéficiaires d’aides de dormir sur leurs deux oreilles !
Le 27 septembre 2012, le Tribunal de l’Union européenne a confirmé la décision par laquelle la Commission avait, en 2009, qualifié d’aides d’État interdites les
« plans de campagne » français versés aux agriculteurs du secteur des fruits et légumes de 1992 à 2002. Pour mémoire, sur cette période de dix années, des organisations de producteurs avaient reçu des aides pour un montant estimé à environ 330 millions d’euros, aides dont l’objectif était d’atténuer les effets d’excédents temporaires de l’offre, de réguler les cours des marchés par une approche collective coordonnée et de financer des actions structurelles destinées à permettre l’adaptation de ce secteur au marché. Les aides en question étaient versées par un fonds opérationnel géré par les comités économiques agricoles agréés et alimenté à hauteur de 30 % à 50 % par des cotisations volontaires des producteurs et, pour le reste, par l’Oniflhor, Office national interprofessionnel des fruits et légumes et de l’horticulture. L’arrêt du Tribunal est intéressant car il apporte des précisions sur deux points importants. D’une part, il donne un éclairage utile pour le secteur de l’agriculture sur la notion de ressources d’État, et, d’autre part, en revenant sur la notion de confiance légitime, il donne un avertissement clair aux bénéficiaires potentiels d’aides.
Des aides en partie financées par les bénéficiaires
Au cas d’espèce en effet, les aides étaient financées pour partie par des ressources tirées du budget général d’État, versées sur le compte de l’Oniflhor et distribuées par celui-ci aux différents Comités économiques, et pour une autre partie, par des contributions volontaires des professionnels perçues par les Comités économiques. La question se posait donc de savoir si la totalité des aides pouvait être analysée comme provenant de ressources d’État. Le Tribunal, confirmant l’analyse de la Commission, rappelle que les dispositions de l’article 87&1 englobent tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des opérateurs économiques, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine desdites autorités publiques. Ce qui compte, en fait, ce n’est pas tant que les ressources soient en permanence en possession des autorités publiques, que le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public et donc à la disposition des autorités nationales compétentes. Ainsi, selon le Tribunal « le critère pertinent afin d’apprécier l’existence de ressources publiques, quelle que soit leur origine initiale, est celui du degré d’intervention de l’autorité publique dans la définition des mesures en cause et de leurs modalités de financement ». À l’inverse, le Tribunal rappelle que, conformément à la jurisprudence Pearle (affaire C-345/02 du 15 juillet 2004) ne constituent pas des ressources d’État les fonds collectés par un organisme public au moyen de contributions prélevées sur les opérateurs économiques bénéficiaires dans la mesure où ce sont ces derniers qui maîtrisent la destination et l’utilisation des fonds. En l’occurrence, le Tribunal a constaté que l’Oniflhor, établissement public placé sous tutelle de l’État, décidait unilatéralement des mesures financées par les plans de campagne, et des modalités de leur mise en œuvre sans que les professionnels disposent d’un quelconque droit de regard sur leurs cotisations et ce, malgré le fait que leurs contributions étaient facultatives. Au surplus, le Tribunal n’a pas manqué de souligner le rôle prépondérant de l’État au sein des comités économiques agricoles en la personne de son représentant le préfet de région.
À qui peut-on faire confiance ?
Les producteurs bénéficiaires des aides avaient soulevé devant le Tribunal la violation du principe de confiance légitime au motif que la Commission, qui avait eu nécessairement connaissance de l’existence des plans de campagne pendant la période 1992-2002, n’avait entrepris aucune action à leur encontre pendant cette longue période, faisant naître chez eux la confiance en leur légitimité. Ce recours donne au Tribunal l’occasion d’apporter quelques éclaircissements sur cette notion un peu floue. S’il est vrai que tout justiciable est en droit de se prévaloir de la protection du principe de la confiance légitime lorsque l’institution communautaire a fait naître en lui des espérances fondées, il n’en demeure pas moins vrai que ce droit nécessite la réunion de trois conditions cumulatives :
- des assurances précises, inconditionnelles émanant de sources autorisées et fiables doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration communautaire ;
- ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent ;
- et surtout, ces assurances doivent être conformes aux normes applicables.
En l’occurrence, compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides d’État confié à la Commission, seul le respect de la procédure préalable de notification aurait dû permettre aux entreprises bénéficiaires de se sentir en confiance par rapport aux mesures mises en place en leur faveur. Le Tribunal relève qu’au demeurant, les producteurs de fruits et légumes concernés par les fameux plans de campagne auraient dû être d’autant plus vigilants que les autorités françaises elles-mêmes avaient conscience du fait que les aides mises en place avaient un caractère manifestement anti-communautaire, à tel point qu’elles avaient rappelé aux comités économiques agricoles « le caractère confidentiel des plans stratégiques et le besoin de discrétion nécessaire ». La Commission avait d’ailleurs souligné, ce que les intéressés ne peuvent ignorer, que dans les domaines couverts par une organisation commune, à plus forte raison quand cette organisation est fondée sur un régime commun des prix, les États membres ne peuvent plus intervenir par des dispositions nationales prises unilatéralement, dans le mécanisme des prix régis, au même stade de production, par l’organisation commune. À bon entendeur salut ! Dans le secteur agricole, seule la bénédiction de la Commission permet aux bénéficiaires d’aides de dormir sur leurs deux oreilles !