À l’extrême sud du continent africain, c’est un pays durement touché par la crise qui accueille l’événement sportif de l’année.

À l’extrême sud du continent africain, c’est un pays durement touché par la crise qui accueille l’événement sportif de l’année. Si la Coupe du monde de football a entraîné de lourds investissements de la part de l’État, elle provoque une émulation économique sans précédent qui devrait servir les intérêts du pays.

D’un point de vue footballistique, le suspense entourant une possible victoire de l’Afrique du Sud est minime. L’équipe nationale, les  Bafana Bafana,  détient en effet un triste record : celui de l’équipe la plus mal classée par la Fifa à jamais accueillir une coupe du monde. Pourtant, il est un autre terrain duquel le pays pourrait sortir gagnant : l’impact de l’événement sur l’économie nationale.


Une chance pour redynamiser la croissance

Cadre juridique et financier solide, large ouverture économique, forte consommation intérieure, fiscalité modérée sur les entreprises (taux nominal d’impôt sur les sociétés de l’ordre de 30 %) : depuis 2004, le soleil brillait enfin sur l’économie sud-africaine. En 2006 et 2007, le pays affichait plus de 5 % de croissance annuelle et les investisseurs, étrangers mais surtout locaux, n’hésitaient pas à diriger leurs capitaux vers l’industrie, le secteur minier ou celui des services, piliers de l’économie nationale. Pourtant, dès 2008, le pays a subit de plein fouet la récession mondiale. De nombreux projets ont été différés et les investissements privés (les deux tiers des investissements totaux), ont reculé en 2009 pour la première fois depuis des années. Dès 2008, le gouvernement a répondu à la contraction des capitaux disponibles par une politique budgétaire expansionniste. Dans ce contexte, la Coupe du monde de football est apparue comme une véritable chance de redynamiser la croissance et les préparatifs ont permis de soutenir des pans entiers de l’économie.
Un investissement public massif a été possible grâce à la prudence budgétaire observée depuis la fin de l’apartheid. « Dans les années 2000, la politique budgétaire de l’Afrique du Sud était considérée comme maastrichtienne. Le pays a très peu investi dans les infrastructures. Les investissements actuels, notamment en vue de la Coupe du monde, permettent de rééquilibrer la situation dans ce domaine », commente Henri de Villeneuve, directeur de la société de conseil Cobasa. Faiblement endetté en 2009 (23 % du PIB), le pays a pu augmenter de 18 % les dépenses publiques alors même qu’il accusait une érosion de 6 % des recettes.  Des dépenses qui, si elles ont été consacrées en grande partie à la construction d’infrastructures, ont également servi des mesures sociales.


La construction, premier gagnant du Mondial

Le  secteur de la construction a été le grand bénéficiaire du Mondial, puisqu’il a affiché, grâce aux préparatifs, une croissance de 7,8 % en 2009. Sur les sept stades existants, deux ont exigé des rénovations. En parallèle, trois nouveaux stades de 40 000 places sont sortis de terre dans des villes qui ne comptent pas toujours suffisamment d’habitants pour les remplir. La construction d’infrastructures sportives s’est doublée d’une accélération du plan de modernisation des transports. Le Gautrain (contraction de Gauteng, la province qu’il traverse, et de train), dont le premier tronçon a été livré en mai, en est le symbole. Le plus moderne et le plus rapide du continent (160 km/h), ce train totalisera 80 km de voies ferrées entre Pretoria, la capitale administrative du pays, et Johannesburg, sa métropole la plus peuplée. Le budget de 2,5 milliards d’euros alloué par l’État au projet est revenu au consortium Bombela. Il réunit des acteurs internationaux tels que Bombardier, Bouygues Construction ou RATP Développement (pour l’opération) et des acteurs locaux comme Murray & Roberts (construction).  Mais les dépenses ne s’arrêtent pas là et ont également permis la modernisation des principaux aéroports du pays, la réfection des routes et des voies ferrées, ou encore la transformation du réseau de bus.
Au final, d’après la société de conseil Grant Thornton, l’état aurait consacré 30 milliards de rands (3 milliards d’euros) aux préparatifs du Mondial tandis que les provinces et les villes dépensaient 9 milliards de rands. Un budget largement supérieur aux 17 milliards de rands initialement prévus, et auquel s’ajoute les dépenses publiques hors Mondial.


Un impact économique de 1,5 milliard d’euros

Construire les stades ne suffit pas, encore faut-il les remplir : nouveau défi à relever pour l’Afrique du Sud, il s’agissait également d’une nouvelle opportunité économique. Pour un pays situé à plus de dix heures de vol de l’Europe ou des États-Unis, – les principaux gisements de supporters – et dont la population jouit d’un faible pouvoir d’achat, la tâche s’avérait ardue. À quelques jours du coup de sifflet, le bilan publié par Grant Thornton montrait une répartition des ventes très différente des estimations initiales.
Le public sud-africain devrait être moins présent que prévu. Le prix des billets explique en grande partie cette défection. À cette barrière financière s’ajoute un mode de distribution peu adapté à la population. En effet, la Fifa ne proposait à l’origine la vente des tickets qu’en ligne : une aberration  lorsque l’on sait que le taux de pénétration d’Internet ne dépasse pas les 7 % en Afrique subsaharienne. L’organisation a finalement remédié au problème en lançant mi-avril la vente physique de places, avec un succès qui a rapidement pris la forme de ruée.
Du côté des visiteurs étrangers, le bilan de Grant Thornton ramenait les prévisions initiales de 480 000 personnes, à seulement 370 000. Une diminution qui s’explique essentiellement par l’impact de la crise économique, à la fois sur les dépenses des particuliers et des entreprises. En revanche, le cabinet de conseil prévoit un allongement de la durée du séjour, de 14 jours à plus de 18, qui compenserait la perte de volume. L’impact économique brut pour le pays s’élèverait finalement à 15 milliards de rands environs (1,5 milliard d’euros), un apport bienvenu au cœur de la saison touristique creuse du pays.


Va y avoir du sport

À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’Afrique du Sud semble prête. Malgré les doutes émis par les médias suite à l’annonce le 23 février par le secrétaire général de la Fifa que le pays n’était pas prêt, le sprint final a permis de rattraper le retard. Ce n’est d’ailleurs pas la première manifestation internationale qu’il accueille : Coupe du monde de rugby en 1994, de cricket en 2003. L’événement devrait se dérouler sans incident et bénéficier largement à l’image du pays dans le monde. En effet l’organisation d’un événement, le premier en Afrique d’une telle ampleur, représente un signal fort aux yeux du monde : pour l’Afrique du Sud, mais également pour l’Afrique subsaharienne, grande oubliée de la mappemonde économique.
Reste évidemment la dernière question, celle de l’après : une fois la lumière éteinte sur les pelouses labourées, quelles seront les perspectives du pays ? Bien sûr, beaucoup de choses restent à faire en Afrique du Sud. Il faudra investir pour développer les capacités en électricité, encore insuffisantes. Il faudra améliorer le service public, lutter contre la pauvreté et le chômage. Il faudra encore soutenir la classe moyenne qui se constitue peu à peu. Beaucoup de défis, mais finalement rien de plus que les défis des économies des pays en développement d’aujourd’hui. « L’Afrique du Sud a des problèmes exceptionnellement ordinaires, les mêmes que le Brésil, l’Inde, l’Indonésie... Compte-tenu du passé du pays, du contexte social et politique extrêmement complexe, le caractère ordinaire et souvent commun à de nombreux pays émergents des difficultés rencontrées, rend ce pays exceptionnel », conclut Henri de Villeneuve. Finalement cette Coupe du monde fait retentir l’hymne d’un pays qui croit en ses forces, investit massivement pour leur permettre de s’exprimer, et progresse à l’unisson du dernier, mais pas du moindre, continent à émerger. 

Juin 2010

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