Le politologue Roland Cayrol répond à la question.
Le FN est-il le premier parti de France ? Roland Cayrol répond.
Après la victoire du FN lors de l'élection cantonale partielle à Brignoles (Var), et à l’instar de ce qu’a alors déclaré Marine Le Pen, sa présidente – « Le FN est le premier parti de France » –, corroboré quelques heures plus tard par Jacques Attali sur i>Télé – « Il faut objectivement constater qu’aujourd’hui, le FN est le premier parti de France », peut-on objectivement affirmer que le FN est aujourd’hui le premier parti de France ?
Question à Roland Cayrol, directeur de recherche associé à la Fondation nationale des sciences politiques et directeur du Centre d'études et d'analyse (CETAN).
Décideurs. Peut-on objectivement affirmer que le Front national est aujourd’hui le premier parti de France ?
Roland Cayrol. Il y a bien des raisons de voir monter le Front national : l'angoisse sociale d'abord, et puis le souci d'ordre et de sécurité dans un monde violent, la haine montante de l'Islam, le sentiment de voir s'estomper l'identité d'une France de jadis qu'on ne reconnaît plus, tout cela attisé par l'incapacité apparente des partis de gouvernement, de droite et de gauche, à savoir répondre à ces attentes de plus en plus lassées des Français.
Mais l'ambiance médiatique et politique de ces derniers mois ne cesse d'alimenter cette impression d'une croissance « irrésistible » du FN.
À la présidentielle de 2012, Marine Le Pen est en dessous du score de son père dix ans plus tôt, et voilà qu'on évoque à l'envie, déjà, sa montée. Depuis, il n'est pas de jour où l'on ne discerne dans l'air du temps de quoi faire progresser encore le FN. Il fait beau, c'est bon pour le FN, il pleut, c'est excellent pour le FN. Les médias ne nous parlent plus que du FN, la droite est empêtrée dans la question des alliances avec le FN, la gauche ne sait trop comment s'y prendre pour répondre, sur le fond, aux besoins des catégories populaires tentées par le FN. Tous « saluent la banalisation » du Front bleu Marine.
Et voilà qu'une élection cantonale partielle, oui, une cantonale partielle, fait trembler la France politico-médiatique. Dans un secteur où le FN, dans les deux dernières années, a déjà été élu une fois, et n'a perdu qu'à 49 % une autre fois, on découvre son existence et, à nouveau, on parle de « montée ».
Et pourquoi s'arrêter là ? Le FN se voit décerner le titre de « premier parti de France » !
Le FN n'est pas le premier parti de France, ni en nombre de membres ni en voix aux élections. Il n'est pas devenu non plus un « parti d'adhésion », il est toujours un parti de refus – des erreurs et impasses de la droite et de la gauche au pouvoir – et de protestation – contre une situation sociale et une société qui deviennent insupportables à une proportion croissante de nos concitoyens. Ses thèmes autour de la France seule ne prennent pas dans l'opinion.
Mais, attention, il va finir par le devenir, si l'ensemble de l'actualité se fait désormais autour de lui, si la droite ne comprend pas qu'elle ne gagnera que sans lui, si les partis de gouvernement, plutôt que de dénoncer moralement une extrême droite fascisante, ne réapprennent pas à intégrer les exclus du système socio-politique, si les médias se bornent, dans leur couverture politique, à mettre en exergue tout ce qui peut valoriser le Front national.
Nous sommes tous, aujourd'hui, les apprentis-sorciers du FN.
Question à Roland Cayrol, directeur de recherche associé à la Fondation nationale des sciences politiques et directeur du Centre d'études et d'analyse (CETAN).
Décideurs. Peut-on objectivement affirmer que le Front national est aujourd’hui le premier parti de France ?
Roland Cayrol. Il y a bien des raisons de voir monter le Front national : l'angoisse sociale d'abord, et puis le souci d'ordre et de sécurité dans un monde violent, la haine montante de l'Islam, le sentiment de voir s'estomper l'identité d'une France de jadis qu'on ne reconnaît plus, tout cela attisé par l'incapacité apparente des partis de gouvernement, de droite et de gauche, à savoir répondre à ces attentes de plus en plus lassées des Français.
Mais l'ambiance médiatique et politique de ces derniers mois ne cesse d'alimenter cette impression d'une croissance « irrésistible » du FN.
À la présidentielle de 2012, Marine Le Pen est en dessous du score de son père dix ans plus tôt, et voilà qu'on évoque à l'envie, déjà, sa montée. Depuis, il n'est pas de jour où l'on ne discerne dans l'air du temps de quoi faire progresser encore le FN. Il fait beau, c'est bon pour le FN, il pleut, c'est excellent pour le FN. Les médias ne nous parlent plus que du FN, la droite est empêtrée dans la question des alliances avec le FN, la gauche ne sait trop comment s'y prendre pour répondre, sur le fond, aux besoins des catégories populaires tentées par le FN. Tous « saluent la banalisation » du Front bleu Marine.
Et voilà qu'une élection cantonale partielle, oui, une cantonale partielle, fait trembler la France politico-médiatique. Dans un secteur où le FN, dans les deux dernières années, a déjà été élu une fois, et n'a perdu qu'à 49 % une autre fois, on découvre son existence et, à nouveau, on parle de « montée ».
Et pourquoi s'arrêter là ? Le FN se voit décerner le titre de « premier parti de France » !
Le FN n'est pas le premier parti de France, ni en nombre de membres ni en voix aux élections. Il n'est pas devenu non plus un « parti d'adhésion », il est toujours un parti de refus – des erreurs et impasses de la droite et de la gauche au pouvoir – et de protestation – contre une situation sociale et une société qui deviennent insupportables à une proportion croissante de nos concitoyens. Ses thèmes autour de la France seule ne prennent pas dans l'opinion.
Mais, attention, il va finir par le devenir, si l'ensemble de l'actualité se fait désormais autour de lui, si la droite ne comprend pas qu'elle ne gagnera que sans lui, si les partis de gouvernement, plutôt que de dénoncer moralement une extrême droite fascisante, ne réapprennent pas à intégrer les exclus du système socio-politique, si les médias se bornent, dans leur couverture politique, à mettre en exergue tout ce qui peut valoriser le Front national.
Nous sommes tous, aujourd'hui, les apprentis-sorciers du FN.