Opération de la dernière chance ou triangulation parfaite, effet surprise déstabilisant ou tentative mûrement réfléchie, tournant ou inflexion : François Hollande confesse désormais être social-démocrate.
« Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, il ose enfin le changement », confie un journaliste étranger à la sortie de la troisième conférence de presse de la présidence Hollande. François Hollande assume « enfin » une politique résolument social-démocrate. « Enfin », car le chef de l’État avait jusque-là nié l’attribut. « Enfin », car le virage engagé semble remporter pour la première fois une majorité d’encouragements et de satisfecits (lire « Ce qu’ils en ont pensé ») : 69 % des Français considèrent que le pacte de responsabilité est une bonne solution pour lutter contre le chômage (sondage CSA de janvier 2014 pour Les Échos, Radio classique et l’Institut Montaigne).

« Oui, je suis social-démocrate »
Le 14 janvier dernier, dans la salle des fêtes du Château, sous les ors de la République et les tapisseries des Gobelins, François Hollande fait un aveu. « Suis-je un social-démocrate ? », s’interroge-t-il devant l’assemblée de journalistes venus en nombre : « Oui. Et ce pacte de responsabilité, qu’est-ce que c’est d’autre qu’un compromis social donc social-démocrate ? » Lui, homme de gauche et socialiste durant sa campagne, admirateur de Jaurès à Carmaux – ne serait-ce que pour parer la progression de Jean-Luc Mélenchon – est aujourd’hui social-démocrate. « Le président assume totalement d’être social-démocrate », confirme son Premier ministre.
Le pacte de responsabilité (lire « la conférence de la dernière chance ») du chef de l’État fait figure de « grand compromis social » où la politique de l’offre est mise en exergue : « Produire plus et produire mieux. C’est donc sur l’offre qu’il faut agir. » Une révolution dans la doxa économique de la gauche. Parce que très proche du pacte de confiance imaginé par Pierre Gattaz, le président du Medef, le projet de François Hollande suscite la curiosité de l’ensemble de la classe politique et des observateurs. Baisse de charges, volonté d’aider les entreprises à créer de l’emploi… Celui qui prétendait il y a peu encore être l’ennemi de la finance est-il devenu le nouvel ami des patrons ? C’est là tout l’art de la stratégie de la triangulation qui consiste à puiser dans le camp adverse des valeurs, idées ou références, pour augmenter sa propre audience. Et à ceux qui s’étonnent que le syndicat patronal puisse lui attribuer « dans l’esprit » un blanc-seing, il rassure : « Je ne suis pas gagné par le libéralisme. C’est tout le contraire, puisque c’est l’État qui prend l’initiative. » Mais pas de quoi calmer l’inquiétude et la colère du parti communiste et du Front de gauche, où l’on considère en interne qu’il s’agit là d’un « coup de force jamais vu dans ce pays, qui détruit tous les engagements de campagne et qui reprend surtout le programme de son concurrent ». Quant au Front national, il se délecte, ravi de constater que la ligne « UMPS » existe bel et bien, « avec la bénédiction du Medef » en supplément, assure Florian Philippot, conseiller de Marine Le Pen.

Tournant ou inflexion
Alors que sa cote de confiance est au plus bas (25 %), François Hollande requiert la confiance des Français, parmi lesquels celle des patrons et celle de sa majorité, condition nécessaire à l’application du tournant de sa politique. « Depuis son arrivée à l’Élysée, il a continué de mener une politique du consensus, façon chef de parti, qui n’a pas fonctionné. Le président de la République n’est pas parvenu à imposer son autorité », résume un député de l’opposition. À ceux qui voudraient voir là un tournant, les proches du président rappellent que tant les mesures du rapport Gallois que les grandes conférences sociales avaient déjà engagé le mouvement. Ni tournant ou inflexion pour Guillaume Bachelay, député PS de Seine-Maritime, qui considère qu’il s’agit là d’une « politique d’investissement sur fond de relance européenne plus que d’une simple politique de l’offre ». Il poursuit : « Il ne s’agit pas d’un tournant, il s’agit d’aller de l’avant. Il y a là une grande constance et une grande cohérence chez François Hollande qui avait présenté un pacte productif en 2010, avant la primaire. » Un avis que ne partage guère l’opposition. « C’est un opportuniste : il était socialiste hier, il est social-démocrate aujourd’hui, il sera radical demain. C’est un grand manœuvrier qu’il ne faut pas sous-estimer », raille le sénateur UMP Roger Karoutchi. « Ne nous y trompons pas, ce que François Hollande a proposé, c’est à peine 10 % de ce qu’a fait Gerhard Schröder », surenchérit Daniel Fasquelle, député UMP du Pas-de-Calais. Pour la sénatrice de Paris et figure de la frange gauche du PS, Marie-Noëlle Lienemann, ce basculement est en réalité plus poussé qu’il n’y paraît. Social-démocrate jusqu’à présent, François Hollande virerait social-libéral. « L’UMP en rêvait. Le PS le fait », résume un de ses proches.

Exposant son pacte de responsabilité aux acteurs de l’entreprise et de l’emploi le 21 janvier, le chef de l’État a posé à plusieurs reprises 2017 comme date limite. Le président sait également que 2017, est aussi la date à laquelle il devra rendre des comptes et transformer l’essai… ou laisser la place. Plus qu’une inflexion, la social-démocratie apparaît de plus en plus comme le dernier tournant avant l’arrivée.

Pour aller plus loin : lire « François Hollande et la social-démocratie européenne »

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