Douze mois auront été nécessaires à la Macif, la Maif et la Matmut pour finaliser leur projet de rapprochement. Avec la création de Sferen, les « 3M » réalisent une opération d’envergure. Au final, Sferen n’est autre que le 2e pôle mutualiste français, derrière Covéa, qui regroupe depuis 2003 la Maaf et MMA, depuis rejointes par Azur-GMF.

Douze mois auront été nécessaires à la Macif, la Maif et la Matmut pour finaliser leur projet de rapprochement. Avec la création de Sferen, les « 3M » réalisent une opération d’envergure. Au final, Sferen n’est autre que le 2e pôle mutualiste français, derrière Covéa, qui regroupe depuis 2003 la Maaf et MMA, depuis rejointes par Azur-GMF. Mais que cache Sferen, nouvelle entité aux 10 millions de sociétaires ?

N’en déplaise aux chantres du libéralisme à tout crin, la roue a tourné. L’heure est à vanter les business models à but non lucratif. Et pourtant, entre homo œconomicus individualiste et sociétaire solidaire, le pragmatisme conserve la même force de persuasion. Face aux défis multiples « de l’innovation, de la solvabilité, et de la concurrence », la Macif, la Maif et la Matmut ont choisi de se rapprocher. En ligne de mire le souhait de « pérenniser leur avenir » avec pour principal outil la création de Sferen.

Le projet de rapprochement.

L’opération de rapprochement aura duré près d’un an. Comme le souligne Nicolas Chandou, directeur associé, chez Hawkpoint, conseil exclusif des trois mutuelles dans l’opération Sferen, « le fait que la Macif, la Maif et la Matmut aient choisi ensemble de s’entourer d’un seul et même conseil était un signal fort de leur volonté d’aller au bout dans le processus de rapprochement ». Chacune des mutuelles a ainsi pris le temps d’apprendre à connaître ses futurs partenaires avant de se livrer. Ce n’est que fin 2009, qu’ont été communiquées les bases du mode de gouvernance et du mécanisme de solidarité financière prévu dans le cadre de l’accord.
Conformément aux statuts votés le 8 décembre 2009, Sferen est doté d’un conseil d’administration, constitué de 15 membres, soit 5 par mutuelle partenaire.
Du point de vue de la gouvernance, c’est la solution de la présidence tournante à trois têtes qui a été retenue. Elle revient dans un premier temps et pour deux ans à Roger Belot, le président directeur général de la Maif. Daniel Havis et Gérard Andreck, respectivement présidents de la Matmut et de la Macif, occuperont les postes de vice-présidents. Le directeur général de la SGAM, qui sera le dirigeant opérationnel de l'entité, devrait être nommé en courant février.

D’autre  part, chaque mutuelle fondatrice dispose à l’assemblée générale de Sferen de 15 % des droits de vote, soit 45 % au total. Les 55 % restants sont pondérés en fonction du nombre de sociétaires IARD* en France de chaque mutuelle. Ce qui donne la répartition suivante : 42 % pour la Macif, 29 % pour la Maif et 29 % pour la Matmut.
La pierre angulaire de l’accord réside dans la solidarité à deux niveaux prévue par les « 3M ». Dans un premier temps, sur simple présentation d'un dossier au conseil d'administration de la SGAM, chacun des membres a la possibilité d’obtenir un soutien « automatique » à hauteur de 25 M€ par partenaire, soit 50 M€ au total. Le second niveau, « déclenché à la discrétion des affiliés après analyse d'un plan de redressement », permettra de recevoir 75 M€ par partenaire, soit 150 M€ au total. Le demandeur peut ainsi, dans le cadre de l’accord, recevoir, en cas de besoin, jusqu’à 200 M€ de fonds propres de la part de ses deux partenaires.

Stricto sensu, et comme indiqué par le cadre juridique des SGAM (cf. encadré « SGAM, mode d’emploi »), il n’y a pas ici de liens capitalistiques directs entre les trois mutuelles. Cela étant, la solidarité financière voulue par les « 3M » de Sferen porte bien sur des soutiens en fonds propres. La question de la solvabilité est donc au centre de l’objectif affiché par les trois mutuelles «  d’unir leurs forces ».

La solvabilité au centre.

La formation de la SGAM Sferen arrive trois ans avant la mise en place de la réglementation Sovabilité II. C’est un fait : compte tenu des évolutions de la réglementation, la question de la solvabilité agite actuellement le monde de l’assurance et incite nombre de ses acteurs à la concentration.

Dernier exemple en date, la récente fusion des assurances ACMN VIE et La Pérennité, motivée entre autres choses, par la volonté de ces deux filiales du Crédit mutuel Nord Europe, de « consolider [leurs] fonds propres, particulièrement dans le cadre des engagements Solvabilité II ».
Roger Belot, président de Sferen, précise pour sa part que « le rapprochement n’est pas fait sous la contrainte ». Pour autant, la réponse apportée par le nouvel ensemble vise bien à garantir, via la solidarité financière envisagée, la solvabilité de l’un de ses partenaires en cas de problème.
Hasard du calendrier ou pas, une chose est sûre : ce mécanisme de sécurisation de la solvabilité intervient dans un climat post-crise bancaire. Peut-être sa mise en place relève-t-elle aussi d’expériences particulières vécues par les affiliés du nouveau pôle mutualiste ?

Pour mémoire, en octobre 2008, la Matmut reconnaissait avoir perdu environ 20 M€, à la suite de la dépréciation de la valeur de la société ADI. Spécialiste de la gestion alternative et victime de la chute de Lehman Brothers, ADI avait à cette époque la Matmut comme actionnaire. De par l’ampleur du ralentissement économique, et le risque systémique qui en a découlé, les dirigeants des trois mutuelles ont manifestement compris l’utilité et la nécessité, pour eux, de se regrouper au sein d’une SGAM comme Sferen.

L’intégration en suspens.

Avec un total de 10 millions de sociétaires, la Macif, la Maif et la Matmut  appartiennent au cercle fermé des leaders sur le segment de l’assurance non-vie (assurance auto, habitation, dommages des particuliers, etc.) sur le marché français. Avec ce positionnement, elles gèrent certes un très grand nombre de contrats d’assurance, mais évoluent également sur un marché mature et très concurrentiel.
La recherche d’économies d’échelles constitue un levier essentiel dans la course à l'éfficacité. Demain, la mise en commun d’un certain nombre de postes, comme la mutualisation des achats, ou de la gestion de tout ou partie des  ressources humaines, seront probablement mis à l’ordre du jour. Pourtant, aujourd’hui, aucun projet d’intégration de ce type n’a encore été détaillé par la direction de Sferen.


Les « 3M » sont toutes connues pour leur qualité de service. Cette qualité, confrontée à la nécessaire recherche de synergies, doit perdurer. Une équation qui requiert de la  dextérité au sein de ces structures aux identités fortes.

À travers Sferen, la Macif, la Maif et la Matmut annoncent leur volonté de se renforcer sur un marché en voie de concentration. La solidarité financière est arrêtée et précisée. L’intégration, elle, reste en suspens de la communication de la direction. Dans ce contexte de concurrence forte, la réactivité et le doigté de Roger Belot et du futur directeur général de Sferen seront essentiels au succès de ce rapprochement riche en challenges. Une démarche positive et audacieuse au regard d’une culture mutualiste en passe de se réinventer.

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