Que des entreprises sous LBO soient aujourd’hui en difficulté, plus peonne n’en doute. Mais, est-ce bien étonnant quand l’économie mondiale travee une crise d’une telle ampleur ? Les entreprises cotées ou détenues par des actionnaires familiaux sont-elles pour autant moi exposées que les sociétés présentes da les portefeuilles des investisseu en capital ? Car c’est là que repose le vrai débat : le LBO fragilise-t-il l’entreprise ?

Que des entreprises sous LBO soient aujourd’hui en difficulté, plus personne n’en doute. Mais, est-ce bien étonnant quand l’économie mondiale traverse une crise d’une telle ampleur ? Les entreprises cotées ou détenues par des actionnaires familiaux sont-elles pour autant moins exposées que les sociétés présentes dans les portefeuilles des investisseurs en capital ? Car c’est là que repose le vrai débat : le LBO fragilise-t-il l’entreprise ?

Tous les médecins le diront : les vitamines améliorent la santé, il ne faut pourtant pas en abuser. Dans le monde de l’entreprise, les vitamines ont longtemps été tirées du financement. Le LBO fait office de cocktail survitaminé.

« À consommer avec modération »

En période de croissance, l’industrie du LBO a amplement démontré son aptitude à surperformer l’ensemble de l’économie. Performance des fonds vs performance de la Bourse, performance des entreprises sous LBO vs entreprises cotées : quel que soit le comparable retenu, c’est détenue par un fonds de capital investissement que l’entreprise obtient les meilleurs résultats.
Une étude réalisée en 2008 par la chaire private equity de l’Essec reflète d’ailleurs cette idée. Basée sur l’analyse approfondie de 158 entreprises françaises reprises en LBO entre 1995 et 2005, l’étude souligne ainsi que la performance des entreprises françaises reprises en LBO s’améliore significativement après l’opération.
Par rapport à une entreprise comparable, et ce au cours des deux exercices suivant l’opération, le chiffre d’affaires (+6 %) et l’Ebitda (+20 %) progressent davantage dans l’entreprise sous LBO.

Selon l’étude d’alors, la réussite du LBO peut se comprendre du fait de :

  • l’augmentation de la marge brute de l’ordre de 1,1 %, et ce, dans un contexte de baisse globale des marges des PME ;
  • la maîtrise des coûts du personnel, donnant lieu à des gains de productivité de l’ordre de 1,2 % du chiffre d’affaires ;
  • l’augmentation des autres charges externes, parmi lesquelles les frais de marketing, de 0,9 % du chiffre d’affaires ;
  • et enfin, la meilleure gestion du besoin en fonds de roulement.

« Mêmes causes, mêmes effets »

Cependant la recette du succès pèse aujourd’hui sur l’avenir de ces LBO, hier encore champions de la croissance. Reprendre une entreprise en LBO, c’est financer son acquisition par la mise en place d’une dette qu’il faut (logiquement) rembourser.
Sous la houlette d’un actionnaire actif, mais qui ne doit pas non plus prêter le flanc à la gestion de fait, l’équipe dirigeante va mettre sous tension l’entreprise. Qu’ils soient financiers, commerciaux, liés aux coûts ou qu’ils dépendent des ressources humaines, tous les paramètres de l’entreprise vont être scrutés, disséqués puis modifiés pour l’optimiser et en faire une machine à rembourser la dette.
 
Pourtant, quand la conjoncture s’inverse, les conditions changent mais la charge du financement reste la même. « Une entreprise sous LBO est logiquement plus exposée à la crise car tous les élastiques sont déjà tendus au maximum », rappelle Gérard Pfauwadel, associé en charge des services financiers chez X-PM Transition Partners et aussi président d’Unigestion France.
 
La situation peut encore se compliquer si le fonds a mis en place des mécanismes de debt push down pour optimiser le levier bancaire de l’opération. Permettant de transférer une partie de la dette d’acquisition à la société cible, cette pratique rassure les banquiers. Elle positionne la dette au même niveau que les cash-flows, mais expose davantage la société d’exploitation en cas de crise. La charge financière pèse beaucoup plus lourd sur le compte de résultat et sur la trésorerie de l’entreprise.
L’accès à un financement facile et la forte concurrence entre les équipes ont également encouragé les investisseurs à diversifier leurs cibles.

Quand ils privilégiaient historiquement des entreprises bénéficiant d’une forte résilience des cash flows, le terrain de jeu des dernières années s’est ouvert à l’ensemble de l’univers entrepreneurial. « Un certain nombre de secteurs d’activité sont aujourd’hui particulièrement touchés par la crise, comme la promotion immobilière, la construction, les matériaux de construction ou encore la distribution », rappelle Guillaume Cornu, associé chez Deloitte Finance. « On y trouve des entreprises sous LBO. Or celles-ci ressentent d’autant plus fortement les effets de la crise qu’une part importante de leur trésorerie est allouée au service de la dette », continue-t-il.

Banques et assureurs crédit surveillent par ailleurs très attentivement le segment des LBO. « Les sociétés sous LBO peuvent être fragilisées du fait de la réduction de leurs délais de paiement et par conséquent de l’augmentation de leurs besoins de trésorerie », explique Guillaume Cornu. En pratique, la baisse de la notation « assureur crédit » peut dramatiquement empirer la situation de la société. Il n’est pas non plus inédit de constater chez les banques un effet domino. Amenées à revoir leur exposition sur ce segment de financement, certaines préfèrent se retirer des lignes les moins importantes en fonction de leur montant et du poids relatif de la structure au sein du pool de créanciers. L’avalanche des départs est alors terrible pour l’entreprise qui peut se retrouver, sans que ses fondamentaux n’aient été modifiés à la baisse, dans l’impossibilité d’accéder aux lignes de trésorerie.

L’un des principaux problèmes que rencontrent les entreprises sous LBO en difficulté repose sur la mise en œuvre antérieure des recettes « techniques ». Dans une entreprise « classique » soumise à une restructuration, les premières mesures concernent la capacité de production, l’amélioration du besoin en fonds de roulement ou encore l’optimisation des ressources humaines. Or, tous ces points ont déjà été traités dès le début du LBO !

Reste alors les mesures « financières ». La rupture des covenants (clauses de sauvegarde) est l’occasion donnée aux banques de revoir leur relation avec l’entreprise sous LBO et son actionnaire.

Sans pour autant aller jusqu’à la demande du remboursement anticipé des prêts, la détérioration de la situation de l’entreprise ouvre une phase de négociations entre le fonds de capital investissement, l’équipe dirigeante de l’entreprise et l’ensemble des créanciers. La renégociation de la dette reste d’ailleurs dans la plupart des cas le principal levier de sortie de crise de l’entreprise.

Cependant, si chacun est d’accord sur l’intérêt de sauver l’entreprise, des points d’achoppement apparaissent très rapidement autour des conditions de la restructuration et des efforts à fournir par chacune des parties en fonction des différents types de LBO
en difficulté.

Dans un premier cas, la société d’exploitation se porte bien mais constate la baisse de son Ebitda. « C’est sans aucun doute le cas le plus facile à traiter », constate Guillaume Cornu. « Il y a bris de covenants mais la restructuration financière est assez simple : un reset de covenants suffit souvent à résoudre la situation ». La brutalité de la crise a cependant rendu plus rare cette catégorie.

Des cas de LBO où la société d’exploitation est en grande difficulté sont ainsi apparus. La dette n’est plus qu’un paramètre d’une restructuration principalement axée sur la résolution des problèmes opérationnels de l’entreprise. L’urgence est dans le sauvetage de l’entreprise. Si les créanciers renâclent à accorder un délai supplémentaire pour effectuer la restructuration opérationnelle, et dès lors que la dette est remboursable en dix ans, la procédure de sauvegarde peut offrir une opportunité pour le traitement des problèmes.

Quelle que soit la gravité de l’environnement économique actuel, la plupart des situations de LBO en difficulté se trouvent dans l’intervalle existant entre ces deux cas de figure. La situation opérationnelle s’est trop détériorée pour qu’un simple reset de covenants suffise. Une restructuration financière est nécessaire. Elle implique un partage des efforts entre l’investisseur en capital et les créanciers, mais les discussions sont souvent particulièrement tendues.

Réinvestissement vs abandon de créances : un équilibre difficile

Aujourd’hui, la volonté des actionnaires de réinvestir dans une société en difficulté, pour renforcer ses fonds propres, est moins assurée que jamais. En fonction du rendement déjà obtenu par l’investisseur sur la société (une externalisation des murs ou un refinancement ont pu être réalisés avant la crise, permettant au fonds d’obtenir un multiple jugé suffisant sur la ligne), il peut être beaucoup plus regardant sur la rentabilité du new money. « La durée de vie limitée d’un fonds d’investissement est également un frein au réinvestissement », rappelle avec raison Gérard Pfauwadel. « Réinvestir implique d’être certain de trouver une solution de sortie pour le new money avant la date de clôture du véhicule d’investissement ». Le temps joue contre le maintien de l’actionnaire dans l’entreprise.

Par ailleurs, la complexité des montages mais aussi la nature des créanciers peuvent compliquer, voire retarder, les négociations. Leur nombre (qui n’a fait qu’augmenter au fil des syndications successives de la dette) et la divergence de leurs intérêts sont autant d’obstacles à surmonter pour parvenir à un accord.

En cas de négociation particulièrement compliquée, dès lors qu’ils parviennent à créer le consensus autour de certaines banques leaders, les créanciers sont capables de reprendre la main vis-à-vis des investisseurs en capital. Les cas récents d’Autodistribution et de Monier sont l’exemple de ces nouveaux retournements de situation. Si ces opérations font encore figure d’exception en France, leur développement n’est peut-être qu’une question de temps. « Peut-être », car la sauvegarde pose la question du choc des cultures pour de nombreux créanciers internationaux, plus familiers du droit anglo-saxon que d’un droit hexagonal privilégiant l’entreprise et le maintien de l’emploi.

Quelles marges de manœuvre pour l’entreprise sous LBO ?

Malgré la forte médiatisation des dossiers les plus compliqués, les négociations parviennent la plupart du temps à bon port. C’est ainsi qu’à la médiation du crédit, le nombre de dossiers de LBO reste limité. « Les LBO que nous traitons n’arrivent que rarement par la voie du litige pour rupture de covenants », précise Thomas Chambolle, médiateur délégué, en charge des relations avec le capital investissement. Plus encore ajoute-t-il « dans ce cas, les actionnaires, les dirigeants et les créanciers parviennent presque toujours à trouver un arrangement ».
Pour lui, « les entreprises sous LBO qui viennent [les] voir sont celles aux graves difficultés de trésorerie. Les leviers trop importants, fruits de montages trop ambitieux, nuisent fortement à la capacité de survie des entreprises. Il est d’ailleurs choquant de voir passer des sociétés qui sans le levier d’endettement seraient rentables et en condition de passer la crise. »

De sa fonction initiale de médiation, cet organisme mis en place par la présidence de la République s’est développé pour intervenir directement dans la résolution des problèmes. « Notre principale mission est de trouver des solutions préservant au mieux la poursuite de l’activité de l’entreprise et l’emploi. Nous nous autorisons désormais à intervenir plus activement pour rechercher de nouveaux partenaires pour l’entreprise à même de relever un actionnaire arrivé au bout de son histoire capitalistique avec la société », complète Thomas Chambolle. Une charte a ainsi été signée avec l’Afg ainsi qu’avec l’Afic pour améliorer la transmission des dossiers entre la médiation du crédit et les investisseurs en capital signataires.

L’Afic travaille par ailleurs sur un guide de bonnes pratiques, en collaboration avec l’Association bancaire française. Jean-Louis de Bernardy, son président, rappelait récemment que les investisseurs doivent prendre leurs responsabilités d’actionnaires quand leurs participations rencontrent des difficultés. Prendre ses responsabilités, c’est donc aussi savoir passer la main. Et le plus rapidement possible pour laisser à l’entreprise une marge de manœuvre.
Le temps joue irrémédiablement contre l’entreprise sous LBO. Repousser les difficultés, c’est retarder la mise en place des solutions. Or, ainsi que l’assure Guillaume Cornu, « les marges de manœuvre dépendent beaucoup de la capacité de réaction, voire d’anticipation ». Pour lui, « le nerf de la guerre, c’est encore et toujours la trésorerie dont dispose l’entreprise. Par-delà le service de la dette senior, la société d’exploitation dispose-t-elle de la trésorerie suffisante pour fonctionner, notamment au niveau de ses lignes de financement à court terme ? »

La qualité du reporting est souvent à revoir. « Quand nous intervenons dans une entreprise rencontrant des difficultés, l’une des premières, sinon la première, priorités est de remettre la comptabilité à jour. Y compris dans des sociétés sous LBO », constate David Brault, fondateur d’Objectif Cash, un cabinet spécialisé en direction financière opérationelle et en management de transition. Travailler en partenariat avec l’équipe de direction est alors primordial.

Tout du moins quand elle est encore en place. Engagés aux côtés des investisseurs dans la reprise de la société, les dirigeants sont souvent démotivés quand ils constatent que le management package ne vaut plus rien. Remotiver les troupes passe alors par une renégociation d’un nouveau plan d’intéressement ou par un changement de l’équipe de direction.

Retravailler la comptabilité, c’est également remettre à plat l’ensemble du schéma de transfert des flux d’une société à une autre.

Pour l’Afic, 80 % des LBO ne rencontrent pas de difficultés

S’il semble avéré qu’en période de crise le LBO peut accélérer la détérioration de la situation d’une société, la plupart des entreprises sous LBO sont cependant en bonne santé. Et ce, malgré la période de crise économique. Si les investisseurs étaient peu nombreux à avoir traversé des crises, la plupart apprennent rapidement au contact de leurs participations.

Dans ce contexte de crise économique, dans le but de tordre le cou à certaines idées préconçues sur l’état réel des portefeuilles de participations des investisseurs en capital, l’Afic a mis en place un nouvel « indicateur ». Réalisée par Opinionway, l’étude souligne que fin 2008, seuls 20 % des LBO ne respectaient pas les covenants et que seuls 4 % ne parvenaient pas encore à trouver une solution.
Une analyse a contrario montre que 80 % des ruptures de covenants trouvent une issue positive lors des discussions avec les banques prêteuses.

Malgré les incertitudes pesant sur les chiffres de l’été 2009, l’association anticipe une augmentation de 16 % du nombre d’entreprises ne respectant pas leurs covenants, portant celles-ci à 23,4 % du total des LBO. Du travail en perspective pour les spécialistes du restructuring ; de longues conversations à venir entre banques et investisseurs en capital.

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